Adèle Aribaud
Boucheron : Suggérer la perle
Boules d’opales, d’hématite, de diamants ou de cristal de roche : voici les gemmes que Boucheron magnifie à l’image du trésor organique le plus extraordinaire du monde, la perle. Voilà des décennies qu’au 26 Place Vendôme, on s’inspire de sa forme sphérique et de ses reflets nacrés pour concevoir les chefs-d’œuvre de demain.
Et chez Boucheron, les chefs d’œuvres sont légion. La joaillerie française lui doit quelques-uns des plus spectaculaires effets d’optiques, et de très grandes innovations techniques. C’est d’ailleurs la combinaison de ces deux-là qui a donné naissance à l’incroyable parure Perle d’éclat, présentée en 2012 (collection Hotel de la lumière 2012). Le collier est composé de sphères de cristal de roches évidées puis remplies de structures en diamants. On croit admirer des bibelots adamantins sous cloche. Les sphères, la blancheur ou le travail autour de la lumière suggèrent la perle, sans qu’elle soit là. Et outre la prouesse technique de la manipulation délicate du cristal, Boucheron s’offre ici le luxe inestimable de créer des perles blanches dont la lumière irradie, pour la première fois, par l’intérieur.
Parce qu’en effet, il est admis que la perle de nacre entretient un rapport particulier avec la lumière. Depuis les années 1970, son opacité l’a même conduite vers la sortie : elle s’est effacée au profit des gemmes translucides. Leurs jeux de facettes captivent davantage. Alors pour Boucheron c’est le moment d’entamer un habile virage stylistique. Dans ses nouveaux modèles de montre pour dames, la Maison choisit d’épauler les cadrans par des boules opaques de cristal de roche et de quartz rose. Subtilement, leur manque de brillance rouvre la voie à l’esthétique de la perle blanche. Boucheron se démarque. La perle reviendra réellement en horlogerie quelques années plus tard, à l’occasion de la réédition de l’emblématique montre Reflet.
À la même époque dans les années 1980, la perle revient aussi en joaillerie. Dans la parure Exotique -d’inspiration africaine- Boucheron choisit d’alterner des boules blanches et grises sur un seul rang. À première vue, il s’agît d’un algorithme de perles de différentes couleurs, mais de même format. Pourtant le collier dégage un éclat hors du commun. En fait dans ce collier, point de perle grise, le duo se compose de perles blanches et de… boules d’hématites. L’illusion fait mouche. Pendant le reste de la décennie 1980, Boucheron réutilisera la commutation perle grise/boule d’hématite pour un petit nombre de pièces seulement, rarissimes sur le marché de l’art.
De fait aujourd’hui chez Boucheron, la perle est un incontournable. La collection Hiver Impérial de Claire Choisne présentée en 2017 l’a même sublimée dans sa masterpiece. En effet l’énorme collier Baïkal fait courir du haut du cou jusqu’aux épaules un tapis de rangs perlés. La profondeur de la non moins énorme aigue-marine ovale qui s’y repose -de 78,33 carats tout de même- est rehaussée par cette couverture blanche, directement inspirée des paysages glacés de la Russie. Alors, c’est une épaisse couverture de neige, les perles, et à la fois les éclats de givre cristallins, les diamants, que Claire Choisne donne à admirer.
Mais c’est au début de la décennie que Boucheron a signé son coup d’éclat le plus significatif grâce à la perle. Impossible en effet de compter le nombre de possibilités offertes par la Perle au Trésor (2012). Les mécanismes ingénieux et fermoirs secrets font partie de l’ADN Boucheron, passé maître dans l’art de la transformabilité des bijoux. De la taille d’une boule de pétanque, la perle est d'abord un objet précieux, une boule marquetée de diamants, de nacre et d’opale. Après une simple pression, elle s’ouvre et laisse entrevoir une parure complète tout en perles et boules d’opales. La mise en abîme est fine, mais pas autant que la technicité de la pièce. La perle, géante, est elle-même un bracelet manchette et deux broches/pendentif. Notons enfin que le collier comporte des slices de diamants rayonnants comme des disques lumineux, intercalés entre les perles. La Maison a conçu cette technique en 1900. Sur son site, Boucheron dévoile en vidéo quelques secrets de fabrication de cet incroyable écrin : « Cette pièce a nécessité plus de 3000 heures de travail, et environ 2500 pierres ».
Ciambelli, P. dans Journals.Open (2012). Colliers de perles. Transmission, circulation, mémoire du féminin. Consulté à l'adresse :
https://journals.openedition.org/tc/6554
Chabrol, M. pour Le Gemmologue (le 27 juillet 2017). Quand Boucheron image le plus beau des univers. Consulté à l’adresse :
http://legemmologue.com/2017/07/26/boucheron-image-plus-beau-hivers/
Hoffmann, D. (2011). La Haute joaillerie, le luxe à la française. Paris, France, Edition de la Martinière.
Iakovou, P. pour Luxsure (2013). Boucheron, hôtel de la lumière. Consulté à l'adresse : https://www.luxsure.fr/2013/07/19/boucheron-hotel-de-la-lumiere/
Neret, G. (1988). Boucheron, histoire d’une dynastie de joailliers. Fribourg, Suisse, Editions Pont Royal.
Prior, K., & Adamson, J. (2000). Bijoux de Maharadjahs. Paris : Assouline.
Rédaction joaillerie pour Pure Trend. (26 juillet 2912). Boucheron, "l'Artisan du Rêve" dépoussière ses archives. Consulté à l’adresse : https://www.puretrend.com/rubrique/joaillerie_r23/boucheron-l-artisan-du-reve-depoussiere-ses-archives_a67603/1
Rédaction joaillerie pour Fashion Spider. (18 septembre 2012). La Joaillerie à la Biennale des Antiquaires. Consulté à l'adresse :
https://www.fashion-spider.com/la-joaillerie-a-la-biennale-des-antiquaires.fashion
Ciambelli, P. dans Journals.Open (2012). Colliers de perles. Transmission, circulation, mémoire du féminin. Consulté à l'adresse : https://journals.openedition.org/tc/6554