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  • Photo du rédacteurAdèle Aribaud

Laiton, pliages et torsions : la mécanique des bijoux Calder

Des 1800 pièces de bijouterie réalisées par Alexandre Calder, toutes convoquent le même dispositif artistique que le reste de son œuvre à venir. Créés bien avant ses célèbres mobiles, la collection entière se joue des équilibres, des volumes sculpturaux et des lignes courbes qui seront sa signature technique. Pour créer ses bijoux, Calder plie, tord, martèle et recourbe. Examen d’un style :


Des motifs cinétiques à l’absolu vide de pierreries, la signature « bijoux Calder » peut être simplement racontée. Ce sont des pièces de gabarit important, qui, on le constate, sont d’ordinaire portées seules et dont le motif de spirale est la substance principale. Les spirales Calder ressemblent à s’y méprendre à celles des bijoux fabriqués au début du siècle en Chine, principalement au centre et de l’est du pays, qui sont elles aussi travaillées à plat, ou en cônes.


Calder cependant complexifie son dessin. Il se rapproche du corps quitte à le contraindre. Des boucles d’oreilles trop longues, larges ou lourdes, ou la structure « jealous husband », sorte de collier de chasteté aux longues piques franchement répulsives, en sont les meilleurs exemples. Quelques autres dessins tentent le pari inverse. Des dizaines de modèles se composent de plusieurs éléments capables de s’animer séparément des autres, suivant avec souplesse les mouvements auxquels ils sont soumis. Cela compense la trop grande générosité de leurs proportions. L'interdépendance ou non, des éléments entre eux, inspire à Calder dès 1932 des sculptures géométriques abstraites. La perspective de leurs mouvements hasardeux inspire à son ami Duchamp le nom de mobiles, que l'histoire a retenu.


Calder façonne techniquement ce qu’il conçoit lors d’un élan créatif et affectif

Alexandre Calder ne fabrique ses bijoux que sur l’instant et à l’unité. Amies artistes et relations importantes en reçoivent en cadeau. Calder créé pour ceux qu’il aime. Pour Louisa, sa femme, il y grave des dates. Pour les autres, il personnalise leurs initiales en monogrammes. La broche OK de Georgia O’Keffe pimentera – avec sobriété malgré tout- son célèbre vestiaire noir et blanc pendant des décennies. Coquetterie oblige, la broche en laiton doré ne seyant plus à son chignon grisonnant, elle fait, à soixante-douze ans, reproduire sa broche en argent par un artisan indien à l’occasion d’un voyage. Elle ne la quittera plus.



Mesdames Guggenheim, de Beauvoir et O'Keffe portant les bijoux d’Alexandre Calder. Peggy Guggenheim © Solomon R. Guggenheim Foundation, photo © Archivo Cameraphotoepoche / crédit Calder Foundation, Simone de Beauvoir © Hulton Archive / Getty Image, Georgia O’Keffe dehors, puis au Whitney Museum de New York en 1970 © David Gahr / Getty Image.

La collection Calder comporte quelques pièces en argent, et en or. Bien peu quantitativement par rapport à son utilisation du laiton. Un matériau aux nombreux atouts, disponible en temps de guerre. Souple, il supporte très bien d’être modelé manuellement. Pour Calder, travailler le métal consiste à le contorsionner, l’aplanir et le marteler, et tout ça à la main ou au marteau. L'artiste n’employant pas la soudure, ses fermoirs sont assez caractéristiques. Ils consistent à nouer des liens de cuirs, à actionner des systèmes de rivets ou à enchâsser des spirales métalliques. Le système d’attache de la boucle de ceinture constitue aussi son motif : un fil de laiton enroulé sur lui-même. Les peignes eux (ici), ne laissent pas de doute quant à leur système de fixation, mais semblent avoir laissé la notion de confort à la porte !


Son goût pour les petits objets le fera glisser lentement vers la création du « cirque Calder », un théâtre miniature animé que toute l’avant-garde artistique et littéraire de l’époque viendra admirer chez lui. Peu après il s'achemine vers les travaux d’équilibres plus importants, les mobiles, et laisse finalement tomber ses "minisculptures", bijoux, tiares et autres broches, à leur profit.





Pour aller plus loin :

  • Broche chèvre vendue par Sotheby's. Fil d'argent et d'acier, réalisée en 1943.



 

Barnebys (24 Nov 2020). Les extraordinaires bijoux Calder. Consulté à l'adresse : https://www.barnebys.fr/blog/les-extraordinaires-bijoux-calder


Borrelli-Persson, L. (7 fev 2020). Sotheby’s Will Show Another Side of Georgia O’Keeffe When It Auctions Pieces from Her Personal Wardrobe. Consulté à l'adresse : https://www.vogue.com/article/sothebys-will-auction-pieces-from-georgia-okeeffes-personal-wardrobe


Cain, A. pour Artsy. (21 août 2017). Alexander Calder’s Jewelry Turns People into Living Sculptures. Consulté à l'adresse : https://www.artsy.net/article/artsy-editorial-alexander-calders-jewelry-turns-people-living-sculptures


Fasel, M pour The Adventurine. Georgia O’Keeffe Knocked Off Her Calder Brooch. Consulté à l'adresse : https://theadventurine.com/culture/jewelry-history/georgia-okeeffe-knocked-off-her-calder-brooch/


Lu-Lien Tan, C. pour The Wall Street Journal. (dec 2008). The Intimate Side of Alexander Calder. Consulté à l'adresse : https://www.wsj.com/articles/SB122903169006199463


Rosenberg, K pour le New York Times. (dec 2008). Calder’s Precious Metals: Who Needs Diamonds? Consulté à l'adresse : https://www.nytimes.com/2008/12/12/arts/design/12cald.html


Selter, E pour The Adventurine. Calder’s First Jewelry Exhibition in London. Consulté à l'adresse : https://theadventurine.com/culture/jewelry-history/a-look-at-calders-first-jewelry-exhibition-in-london/


Thiery, C. (2 janvier 2019). Alexander Calder : la mobilisation générale de l’art. Consulté à l'adresse : https://france-amerique.com/fr/alexander-calder-the-mobilization-of-art/


Louisa Guiness Gallery. Consulté à l'adresse : https://www.louisaguinnessgallery.com/artists/37-alexander-calder/works/


Dossiers pédagogiques du Centre Pompidou. L'art cinétique. http://mediation.centrepompidou.fr/education/ressources/ENS-cinetique/ENS-cinetique.html

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