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  • Photo du rédacteurAdèle Aribaud

La Joaillerie Art Déco

Le style Art Déco est un courant artistique né dans les années 1910. Il trouve son origine en Belgique, où il émerge en signe de protestation contre les lignes courbes et harmonieuses de l’Art Nouveau, déjà rebaptisé -non sans malice- par ses détracteurs « style Nouille ». Il lui succède en étant néanmoins comme lui, un art total : gagnant l’architecture d’intérieur, puis peu à peu les arts appliqués, jusqu’à la joaillerie. On estime qu’il est le premier mouvement artistique à se diffuser mondialement, ainsi il atteindra rapidement plusieurs pays dont la France. Paris vivait alors un épisode d’insouciance propice au renouveau dans la société et les arts. Embrasés d’un feu libérateur et regorgeant d’influences nouvelles, les arts joaillers se réinventent.


Les caractéristiques plastiques du style joailler Art Déco sont immédiatement identifiables. Il utilise un répertoire géométrique se composant de lignes orthogonales et d’angles vifs. En pleine ère industrielle, on apprécie aussi les octogones et même les cercles, allégories de la mécanique et du roulement à billes. Ses codes associent des motifs très ordonnés à des jeux de contrastes et de rapports formels en tous genres. Dans la joaillerie particulièrement, on assiste à des duels sophistiqués : mat-brillant, strict-souple, lisse-gravé, rond-carré et plein-vide. De même chromatiquement, on rejette les dégradés pour exploiter principalement du noir et du blanc.


Contrairement à l'Art Nouveau qui s'était développé en bijouterie, l'Art Déco s'illustre dans la joaillerie.

Ainsi les matériaux utilisés jouent un rôle de premier ordre pour l’affirmation du style. Diamants, perles, cristal de roche mais aussi émail, laque, jais et bien sûr, onyx sont les nouvelles vedettes des ateliers. De fait les rares touches colorées qui sont intégrées aux créations (en général de corail, de lapis-lazuli ou de jade) y trouvent un écho inégalé. La taille « baguette » pour les diamants se répand : c’est une taille à degrés, dans laquelle le diamant présente une table plane rectangulaire et peu de facettes sur sa couronne (sa partie supérieure, visible). Elle dégage donc moins d’éclat mais plus de sobriété que les autres tailles qui avaient été en vogue jusqu’alors, émeraude ou radiant par exemple. Le contraste noir-blanc est également accrédité par le grand retour du platine dans les montures. Il a été connu dans l’Égypte antique, puis redécouvert au XVIIème mais mésestimé par ses contemporains (il sera nommé « platina », qui veut dire « petit argent »). En ce début de XXème siècle, il inonde le marché joaillier, après qu’on a enfin compris comment l’extraire de son minerai. L’or jaune s’efface progressivement. La technique joaillère s’est ainsi mise au diapason des caractéristiques du style.

La joaillerie Art Déco est également à mettre en lien direct avec la mode vestimentaire de l’époque. Les années folles battent leur plein, et pour la première fois, les vêtements féminins encouragement le mouvement de celles qui les portent : on voit les robes s’alléger, se raccourcir et les textiles se fluidifier. Le noir (souvent scintillant) est très apprécié, la taille n’est plus marquée et les silhouettes aspirent à l’androgynie. Les poignets se libèrent des gants blancs tombés en désuétude et les coiffures féminines à la mode sont courtes, parfois garçonnes. En conséquence, les joaillers s’adaptent : les bracelets et bijoux de têtes (aigrettes et diadèmes notamment) réapparaissent, les colliers s’allongent et les montures s’articulent.


Le style Art Déco décline à partir des années 1930, mais on date parfois sa disparition plus précisément en 1937. Cette année-là, au cours de l'Exposition Internationale, on aperçoit un nouveau goût pour les courbes et arrondis, qui domine dans les années 1940. L'Art Déco s'efface après avoir inspiré quelques-uns des plus fameux chefs d’œuvres du XXème siècle.

Il n'aura trouvé son nom que tardivement, quatre décennies après son éclosion, dans les années 1960. Il le tire de l’Exposition Internationale des Arts Décoratifs et industriels, qui avait été organisée à Paris en 1925 mais qui était déjà souhaitée en 1908. Les rigoureuses conditions de participation n’autorisant la présentation que de pièces très récentes, les imitations de styles anciens en furent exclues, ce qui explique qu’il s’y était imposé comme avant-garde. Quelques prestigieuses Maisons avaient ainsi offert à voir le génial savoir-faire de leur artisans, accordant au luxe français une vitrine exceptionnelle : les pièces de joaillerie Art Déco avait déclenché un engouement retentissant. Aujourd’hui encore juste un siècle après sa naissance, il est un des styles joaillers les plus appréciés du marché de l’art.

 

Bosc, A., Coudert, T., Dalon, L., Petit, V., Rainero, P., Rousset-Perrier, M., & Salomé, L. (2013). Cartier  : Le style et l’histoire. Paris, France, Éditions de la Réunion des musées nationaux.


Connaissance des arts, hors-série n°752 "Des Grands Moghols aux Maharadjahs, Joyaux de la collection Al Thani", (2017). Paris, France, Édition SFPA.


Lacloche, joaillers, 1892-1967, Exposition, Ecole des Arts Joaillers, du 23 octobre au 20 décembre 2019.


Le Monde Nouveau de Charlotte Perriand, Exposition, Fondation Louis Vuitton, du 2 octobre 2019 au 24 février 2020.


Moderne Maharadjah. Un mécène des années 1930, Exposition, Musée des Arts Décoratifs de Paris, du 26 septembre au 12 janvier 2020.


Phillips, C. (2008). Jewels and Jewellery. London, England, Édition Victoria & Albert Museum.


Possémé, E. (2012). Van Cleef & Arpels - L’art de la haute-joaillerie. Paris, France, Éditions du Musée des Arts Décoratifs.


Possémé, É., & Mouillefarine, L. (2009). Bijoux Art Déco et avant-garde. Bogotá, Colombie, Éditions Norma.


Prior, K., & Adamson, J. (2010). Maharajas' Jewels. Paris, France, Éditions Assouline.


Schumann, W. (2015). Pierres précieuses  : Fines et ornementales (Rev. éd.). Paris, France, Éditions Delachaux et Niestlé.

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