top of page
  • Photo du rédacteurAdèle Aribaud

Chanel, la collection Tweed

En janvier 2020, Chanel a orchestré la présentation de sa nouvelle collection haute couture sous la nef du Grand Palais. Ayant récemment perdu son plus éminent directeur artistique depuis Gabrielle Chanel elle-même, la Maison manifeste la volonté de se ressouder autour de son histoire. C'est le retour des cols claudine et cape "d’inspiration monacale" (dixit Vogue), des silhouettes black & white et de l'intemporelle matière tweed. Juste avant le défilé, Chanel a également annoncé la sortie imminente d’une nouvelle collection de haute joaillerie : Tweed. Ce solide lainage d'origine écossaise a inspiré tous les nouveaux bijoux créés par la Maison : quarante-cinq pièces joaillères composées avec l’ambition inédite de tisser une étoffe, tout en métal.

L’idée de créer des bijoux en hommage à une grande signature stylistique de la Maison est ingénieuse, mais pas nouvelle pour Chanel. Déjà en 2015, la collection de bijoux Coco Crush a revisité l’iconique effet matelassé de ses sacs à mains, et en 2016, la série Ruban a mis en forme des nœuds délicats, autre signature Chanel. Mais c’est dans la très graphique collection Ultra (2006), qu’on a vu la première évocation d'un textile rayé noir et blanc, imité par de petites plaques de céramiques polies et des lignes de diamants, disposées en quinconce. Pour Tweed, les joaillers souhaitent franchement imiter la matière, son aspect texturisé et même sa technique de création. Mais ce lainage est un candidat compliqué : sa laine cardée lui donne un aspect mousseux, irrégulier, épais et souple à la fois.


Les joaillers n’ont à leur disposition que des matériaux durs et secs : or blanc et jaune, diamants blancs, onyx noir, pierres fines et perles de culture. Leur condition de matériaux précieux leur a permis de faire l’objet d’un traitement rigoureux par les artisans. Mais rien dans ce traitement, n’évoque les notions pelucheuse, vibrante et moelleuse du tweed : les diamants sont facettés avec technique, les tailles et formes des perles sont homogènes, les maillons des chaînes rigoureusement semblables, et l’or, quand il est godronné, l’est uniformément. Quels procédés ont alors permis aux joaillers de réaliser des bijoux qui semblent épais, bosselés, irréguliers ?

C’est d’abord l’imitation du vrai tissage du Tweed : des lignes de diamants et chaînes dorées croisent perpendiculairement des rangées de perles et d’autres pierres.

L’effet de l’armure est parfaitement reproduit, le montage respecte une cadence dessus/dessous. De l’ajourage est suscité çà et là par les maillons des chaînes dorées et les cannelures de la trame. Les montures ont même quasiment disparu. Enfin, la collection Tweed offre une occasion unique de mesurer toute l’importance du choix des sertis : on remarque que des diamants blancs de tailles identiques mais sertis différemment semblent totalement dissemblables. Les joaillers les ont disposés sur la trame comme des matériaux distincts. Preuve supplémentaire (s'il en fallait), de la toute-puissance de la technique joaillère dans la conception et la réalisation ces pièces.


Parmi les pièces les plus notables, un autre collier (assorti au bracelet ci-dessus, Collier tweed couture) se déploie à plat autour du cou, comme le ferait un col colerette. Son emmaillement, de pierres fines rosées en abondance, et au fini frangé, suggère une épaisseur qu’on se plairait à évaluer du bout des doigts, comme un tissus. Une montre-bracelet (Montre tweed contraste) camoufle son cadran de diamants sous un « bouton » circulaire qu’on déplace à envie.


Tweed est une dédicace à la matière « tweed » bien sûr, mais aussi au vêtement qui l’a popularisé, le tailleur féminin iconique de la créatrice. Les bijoux reprennent quelques-uns de ses éléments principaux : boutons ronds et bordures parfois frangées. Les pendentifs, chatons de bagues ou puces d’oreilles sont circulaires. Leurs formes convexes, bombées, rappellent les boutons des vestes, très à la mode dans les années 50 et 60’s. Ils ont été chéris et portés par Gabrielle Chanel elle-même. Autre rappel à la couture, certains bijoux laissent pendre à des longueurs inégales des chaînes dorées, évoquant les bordures parfois décousues des vêtements, tout autant que leur inimitable plombé. Tweed suggère avec brio le textile, mais aussi le travail manuel et le savoir-faire artisanal unique, celui des couturiers de la Maison. Avec cette collection, Chanel haute joaillerie fait oublier son jeune âge (moins de trente ans ! (lancée en 1993) et se positionne avec talent aux côtés des grandes Maisons parisiennes.

 

Iakovou, P. (2020, février 10). Chanel Joaillerie, Collection « Tweed de Chanel ». Consulté à l’adresse https://www.luxsure.fr/2020/02/10/chanel-joaillerie-collection-tweed-de-chanel/


Lenfant, J. (1979). Bijouterie - joaillerie, encylclopédie contemporaine des métiers d’art. Paris, France, Éditions du Chêne.


Mauriès, P. (1993). Les bijoux de Chanel. Paris, France, Édition Thames & Hudson.


Salessy, H. (2020, janvier 21). Chanel haute couture  : tous les secrets du défilé sont ici. Consulté à l’adresse https://www.vogue.fr/mode/article/chanel-haute-couture-printemps-ete-2020-secrets

  • Instagram - Gris Cercle
bottom of page