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  • Photo du rédacteurAdèle Aribaud

Archijoaillerie

L’architecture, parlons-en ! Si la nature dans sa globalité a inspiré à juste titre des milliers de créations, si les motifs abstraits se sont également taillé la part du lion dans le patrimoine joaillier, des éléments notables d’architecture se sont imposés aux côtés de ceux-là, à mi-chemin entre l’esthétique et le structurel, le décoratif et le fonctionnel. Créée par l’homme pour l’homme, l’architecture a prêté à la joaillerie ses structures, ses chefs d’œuvre, ses styles et ses fondamentaux. Zoom avant à la croisée de ces mondes.


Chez Boucheron le bien nommé sautoir « Colonne d’acanthe » a puisé dans une architecture elle-même inspirée de la nature. La plus architecturale de toutes les plantes, l’acanthe, surmonte un chef d’œuvre de chapiteau composite stylisé et une colonne de perles d’eau douce. Tout y est : deux rangées de feuilles, des volutes ioniques, des corniches et même une base pour la colonne. Car effectivement au bas du bijou, Boucheron place des lignes de diamants sertis en tiges dans de l’or blanc. Cette idée présente un triple avantage : elle imite les cannelures des vraies colonnes et poursuit donc de crédibiliser le motif, elle assure un léger plombé aux perles et assure également leur tenue en un seul et même élément uni, compact. De fait la colonne descend sur le buste d’un seul tenant, comme le ferait une cravate.



Motif ornemental par excellence, l’acanthe occupe ici une place très importante. Décorative bien sûr, mais pas seulement. Les feuilles dentées et lobées de l’acanthe ont traversé les siècles en s’adaptant aux goûts contemporains avec une adaptabilité remarquable. Ainsi consacrée par les arts décoratifs, elle convoque ici l’imaginaire d’un plafond sculpté et de stucs gravés qui surplomberaient la colonne. Parce qu’en effet il semble bien que la verticalité soit un enjeu important du sautoir. C’est ce qu’induit la colonne bien sûr, mais aussi ce diamant taille marquise d’1,58cts inhabituellement supporté par le bas et qui trône, raide et impérial, au milieu des décors de nacre et d’or blanc.


Très semblablement, Dior s’inspirait en 2016 des décors et détails architecturaux du Château de Versailles pour la première fois. Deux autres collections « Dior à Versailles » suivront en 2017 puis 2018. Cette broche porte le nom de « Salon d’Apollon », une salle de Versailles dédiée au Dieu grec éponyme, dieu du Soleil, forcément très à propos dans le joyau architectural du jeune roi Louis XIV. Rien d’étonnant alors à ce que le premier plan du bijou soit occupé par un soleil de diamants blancs. On croit reconnaître au-dessus de lui une des volutes qui ornent le plafond du Salon, encadrant les célèbres peintures de Charles de La Fosse.


Un mot enfin sur la blancheur de ce bijou qui tranche avec le doré associé quasi automatiquement à Versailles. Historiquement, le Salon d’Apollon a été un espace stratégique pour le pouvoir de la royauté puisqu’il a abrité le trône du roi dès son installation en 1682. Un trône à l’image de son propriétaire, placé sur une estrade, haut de 2,60 mètres et entièrement orné de sculptures et de plaques d’argent… Dont il ne reste rien. L’argenterie royale est fondue en 1689 pour financer la guerre de la Ligue d’Augsbourg. Vingt tonnes d’argent massif seront récupérées... Vingt tonnes d’argent qui ressuscitent peut-être aujourd'hui, dans notre broche en or blanc et argent noirci.

D’autres monuments célèbres ont aussi eu droit à leur hommage joaillier. Comme le Grand Palais par exemple, dont la verrière a été représentée vue de profil tenant un pompon d’émeraudes. Dans la tradition du multiporté chère à Boucheron, le sautoir se transforme grâce à une griffe des plus symboliques puisqu’il s’agît en fait de la verrière du Grand Palais, cette fois-ci vue du ciel.


Gagnons maintenant l’Asie en compagnie de David Webb. Il s'en est inspiré pour réaliser la paire de boucles d’oreilles dite « pagodes ». Elle reprend l’architecture des tours à plusieurs étages qu’on reconnaît à l’extrémité de ses angles qui remontent en épi vers le haut. Ici Webb a travaillé cet effet grâce à des diagonales d’or verticales et à la suspension d’émeraudes qui rappelle les lanternes asiatiques. En outre les vraies pagodes asiatiques sont souvent surmontées d’une flèche. Ici point de flèche mais une bague dorée juste gonflée marque l’extrémité haute du monument miniature.






Enfin en 1966, Jean Vendome s’inspire non pas d’un seul édifice mais d’un ensemble urbanisé, la célèbre Vème avenue de New-York. Modélisant les buildings -à l’époque encore singuliers- de New-York, elle est composée de lignes verticales de hauteurs différentes, chacune achevée par un diamant. Outre la verticalité qu'il créé, Jean Vendome réussit ici le saut hypercomplexe du macro au micro grâce à un jeu d'échelle maîtrisé et à un tour de doigt particulièrement abouti. Ses proportions permettent aux building de recouvrir le doigt quand leurs bases, sous le doigt donc, mettent à jour le découpage de leur implantation sur le sol new-yorkais. Ainsi le bijou nous présente un New-York inédit, en pleine éclosion avec ses immeubles qui sortent de terre et à la fois achevé, avec la célèbre skyline qu'on lui connaît aujourd'hui. Cette bague est un de ses modèles les plus célèbres et les plus récompensés.


 

Chabrol, M. (Juillet 2016). Et Dior réinventa Versailles. Consulté à l'adresse : http://legemmologue.com/2016/07/17/et-dior-reinventa-versailles/


Dormoy, G. (Juillet 2017). Dior à Versailles: quand la haute joaillerie explore les jardins du château. Consulté à l'adresse : https://www.lexpress.fr/styles/mode/dior-a-versailles-quand-la-haute-joaillerie-explore-les-jardins-du-chateau_1925498.html


Selmer, M-C. (Août 2019). « Paris, vu du 26 » : Les plus belles parures joaillières repérées chez Boucheron. Consulté à l'adresse : https://theeyeofjewelry.com/fr/boucheron/boucheron-joaillerie/collection-paris-vu-du-26-boucheron/


L'ÉCOLE School of Jewelry Arts. Vidéo : Architecture de New York & Joaillerie Art Déco. Mise en ligne le 18 Décembre 2020. Consultée à l'adresse : https://www.youtube.com/watch?v=gCmWTjDnnkA


Douot News. (Dec 2017). « Le bijou est un art », hommage à Jean Vendome. Consulté à l'adresse : https://www.drouot.com/news/actuDetaillee/59290


Presse Versailles. (2015). Le Salon d'Apollon restauré. Consulté à l'adresse : https://presse.chateauversailles.fr/archives/chantiers-archives/le-salon-dapollon-restaure/

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